1942 : Hélène orpheline a 14 ans
En 1942, Sa mère l’inscrit à la rentrée des classes en pension au
collège Capron. Pourquoi en pension ? Parce qu’elle doit se faire
opérer probablement d’une tumeur au ventre. Sa mère est hospitalisée,
opérée et meure rapidement. Maman pense qu’elle a eu une infection
suite à l’opération et qu’elle en est morte faute d’antibiotiques.
Elle pense que la tumeur serait dû au fait qu’elle aurait, pendant
plusieurs jours, garder des pièces d’or dans un petit sac dans sa gaine
lors du dernier voyage qu’elle aurait fait au pendant l’été pour aller
dans sa famille en Normandie.
Sa vie bascule d’un seul coup : de petite fille choyée, elle se
retrouve orpheline en pension et sans famille proche.
Pourquoi son père, ne s’est-il pas débrouillé pour venir la chercher ?
D’autre l’aurait fait malgré la guerre, mais lui n’est pas de ces
pères-là.
Elle l’a probablement attendu, espéré, imaginé mainte fois arrivant à
la porte de la pension…. De même, elle a souvent rêvé que sa mère
n’était peut-être pas réellement morte, que l’on s’était trompé de
personne, qu’elle était amnésique, qu’elle allait retrouver la mémoire
et venir la chercher… Elle dira d’elle à cette époque elle était un peu
mythomane. Mais personne ne vint pas et elle s’enfoncera dans la
solitude.
Personne pour consoler la petite fille qui vient de perdre sa mère et
qui surement avoir des coups de cafard. Elle apprend à cacher sa
tristesse, à jouer la comédie et à ne compter que sur elle-même.
Son caractère se forge dans cette souffrance solitaire. Elle se durcit
et compense sa blessure par une morgue et une affronterie qui trompe
tout le monde.
Elle racontera qu’un jour elle s’est battue avec une camarade de
classe, qu’elle lui tapait la tête contre les marches et l’aurait tué
si on ne les avait séparées.
Elle passe seule les jeudis et les dimanches à la pension. Les
bâtiments sont déserts, seuls les gardiens sont présents pour lui faire
à manger. Il y a aussi quelques filles juives dans son cas. Il est
probable qu’elle y a connu son amie d’enfance Michèle Kell (devenue
Michèle Longuet).
Elle y découvre la faim. Elle qui faisait la difficile pour manger avec
sa mère, n’a plus grand-chose à manger avec la guerre. Elle gardera de
cette époque, le sentiment de faim et de manque de nourriture. Elle
racontera la salade faite avec une huile gluante, les soupes avec les
vers qui surnageaient et les rutabagas infâmes.
Les autres filles avaient des provisions régulièrement, elle ne
recevait qu’un colis de Normandie de temps en temps quand il n’avait
pas été pillé en gare. Heureusement, il y avait les Pauzat !
Les Pauzat
Comment Hélène a-t-elle connu les Pauzat ? Peut-être, Léontine les
connaissait-elle avant la guerre ? Peut-être se sont-ils proposés à la
pension pour être une famille d’accueil ?
Lui âgé, est un marin au long court à la retraite. Peut-être a-t-il
connu son père en Indochine ou à la guerre de 14 ?
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Madame Pauzat, après avoir été couturière toute sa vie,
faisait
maintenant de la couture d’art. Elle reproduisait les modèles des robes
anciennes sur des gravures qu’elles encadraient.
Nous avons
encore un cadre réalisé par elle. Elle confectionnait aussi des
vêtements pour des poupées de collection. Peut-être la robe de la
poupée de collection sous cloche de verre ? C’est probablement elle qui
a réalisé la magnifique robe ancienne que porte Hélène adolescente
(voir photo). |
Dans les hauteurs d’Antibes, ils ont le bas d’une villa avec des
poules, des œufs, des arbres fruitiers… Ils ont des revenus modestes et
une vie simple. Lorsque sa mère meurt, les Pauzat s’occupent d’elle
pendant et après la guerre. Ils la prennent chez eux pendant les
vacances, lui donne des colis lorsqu’elle retourne en pension. Chez
eux, il y a de l’amour et des bonnes choses à manger.
Elle les aimera beaucoup. Ils seront pour elle des grands parents
aimants. Monsieur Pauzat est une des rares figures masculines qu’elle
aimera.
Lorsqu’elle vivra à Paris, chaque fois qu’elle redescendra dans le
midi, elle ira les voir et m'y emmènera.
Ils m'ont appris aussi beaucoup de choses aussi : à manger des kakis et
les œufs gobés qu’on allait chercher dans le poulailler. Je
me souviens : de cette maison aux volets mi-clos pour garder
un peu de fraicheur, des rayons de soleil à travers les volets, d’un
silence à respecter car Monsieur Pauzat n’aimait pas le bruit. C’était
la maison du silence, les femmes y parlait bas et respectaient la
silence qu’exigeait l’Homme.
Le tic-tac de l’horloge comtoise avec son balancier en cuivre, raisonne
et ponctue la vie paisible de cette famille.
D’ailleurs, Monsieur Pauzat était le seul à avoir le droit de remonter
les plombs de l’horloge, ni trop haut, ni trop bas afin de ne pas en
casser le mécanisme aussi vieux que lui.
Madame Pauzat apprenait à Hélène et la petite Hélène (moi) la cuisine :
la charlotte aux fraises avec les biscuits à la cuillère que l’on
devait tremper pas trop longtemps et positionner bien droit dans le
moule à gâteau.
C’est elle également qui leur a appris la recette des œufs en neige
avec la crème anglaise et bien d’autres plats.